Nous en avons tous déjà fait l’expérience : ne pas réussir à identifier l’entrée d’un bâtiment, chercher en vain un service qu’aucun panneau n’indique ou encore suivre des flèches dans un dédale de couloirs jusqu’à nous retrouver totalement désorienté lorsque ce fléchage s’arrête sans raison apparente. La signalétique fait partie de notre quotidien et joue un rôle bien plus important qu’il n’y paraît. Voici quelques conseils pour éviter que les itinéraires les plus simples ne deviennent de véritables parcours du combattant.
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Une chaîne d’information continue
La réglementation accessibilité des Etablissements Recevant du Public (ERP) (arrêtés du 8 décembre 2014 et du 20 avril 2017) est claire : tout « élément d’information et de signalisation se doit d’être visible, lisible et compréhensible par tous les usagers » et doit « constituer une chaîne continue d’information tout le long du cheminement. ». Par chaîne d’information continue, on entend un repérage logique, séquencé et sans rupture sur l’ensemble du déplacement de l’usager d’un établissement.Ce jalonnement commence lors de la préparation de l’itinéraire à distance et l’accompagne jusqu’à destination, si possible sans que l’usager ne rencontre la moindre difficulté. Il comprend également, lorsque nécessaire, la communication d’informations permettant d’anticiper et préparer la suite de son itinéraire (par exemple, l’affichage des horaires de bus) et ceci en toute situation, y compris en cas de perturbation.
Un système de repérage multimodal
Pour former ce fil d’Ariane continu, il est nécessaire de respecter un ensemble de concepts signalétiques qui, lorsqu’ils sont associés et utilisés à bon escient, permettent d’obtenir un système de repérage et d’orientation optimal. Il s’agit des concepts ODII (Orientation, Direction, Information et Identification – voir le guide Afnor BP P96-104). Ces concepts prennent la forme de divers supports, totems directionnels, plans, plaques pictogrammes, horaires d’ouvertures, etc.
Il est également nécessaire de rendre ces supports perceptibles et intelligibles pour l’ensemble des usagers, y compris ceux ayant des besoins spécifiques. Pour ce faire, les éléments signalétiques devront faire appel à plusieurs sens et logiques cognitives. Un panneau directionnel pourra ainsi être doublé d’une annonce sonore, une plaque d’identification aura un contraste prononcé avec son support pour être localisée à distance et ses caractères seront de taille suffisante pour pouvoir être lu sans difficulté, ou encore un pictogramme sera choisi de telle sorte qu’il puisse être compris par tous. Les éléments podotactiles, tels que les bandes d’éveil de vigilance aux traversées piétonnes et les bandes de guidage dans les gares viennent compléter ce dispositif, en informant et guidant l’ensemble des usagers.
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L’usager organisateur de son déplacement
Aujourd’hui, les usagers souhaitent avant tout être maîtres de leurs déplacements. Les guichets d’accueil tendent en effet à se vider de leurs personnels et l’aide humaine n’est pas toujours disponible lorsqu’on en a besoin. Il paraît alors indispensable d’assurer l’autonomie des personnes en tous lieux et situations.
Co-construire avec les usagers
Qui mieux que les utilisateurs finaux sait comment fonctionne l’établissement, de quel dispositif signalétique il a besoin et de quelle manière et à quel moment lui transmettre telle ou telle information ?
Faire appel aux usagers, ces experts du quotidien, au stade de la conception du projet signalétique, permet de valider la stratégie de repérage choisie, les principes graphiques et choix sémantiques retenus et le lieu d’implantation des supports. Pour s’assurer que la chaîne d’information proposée est bien utilisable par tous, il est ainsi essentiel de s’enquérir de l’avis des utilisateurs d’un site, qu’ils soient membres du personnel, agents techniques ou visiteurs. La participation d’usagers en situation de handicap, représentant l’ensemble de ces fonctions, est par ailleurs indispensable pour apporter des solutions répondant efficacement à leurs besoins et ainsi s’assurer que la signalétique proposée est bien accessible à tous.
Eviter toute surcharge cognitive
A vouloir trop bien faire en matière de signalétique, on peut se confronter au risque de la surcharge cognitive. En créant un maillage dense de supports visuels (et sonores) ou en omettant d’enlever les supports existants et redondants, l’usager devra fournir un effort considérable pour trouver l’unique information dont il a besoin, ce qui peut être anxiogène, particulièrement dans un lieu qui lui est étranger. “A successful sign system should minimise anxiety and confusion and prevent people from getting lost.” (Sign Design Guide: a guide to inclusive signage, P. Barker et J. Fraser, 2000).
Il est donc essentiel de bien hiérarchiser contenus et supports signalétiques, d’éviter toute profusion inutile et, lorsque cela est possible, d’utiliser en complément d’autres moyens, plus intuitifs, pour orienter le visiteur. Ainsi, l’emplacement logique de lieux que tout usager est amené à utiliser, tels que le guichet d’accueil ou les sanitaires, facilitera leur repérage. De même, une modification de tonalité de couleur ou de luminosité sur une surface, sol ou mur, peut servir de repère. Un changement de matériau peut aussi altérer l’acoustique du lieu et indiquer que l’on change de service.
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L’équilibre entre forme et contenu
Pour une signalétique adaptée à tous, cohérence et intelligibilité sont les maîtres mots. Si l’accent est souvent mis sur la qualité graphique des supports, qui participe indéniablement à l’identité visuelle du lieu, le choix et la taille des polices de caractères, la création de symboles et pictogrammes et la sémantique utilisée, sont tout aussi importants.
Facile à lire et à comprendre
Les personnes handicapées mentales mais aussi les personnes pressées ou en perte de repère, du fait d’une situation stressante, d’un handicap psychique, de leur âge avancé mais encore les personnes maîtrisant peu la langue française ou les personnes sourdes, apprécieront que l’information leur soit communiquée de façon claire et concise.
De bonnes pratiques ont fait leur preuves ces dernières années, qui consistent par exemple à :
- Toujours associer un pictogramme au nom du local,
- Utiliser autant que possible des appellations compréhensibles par le plus grand nombre,
- Choisir des pictogrammes normés (voir ISO 7001),
- Assurer un fort contraste entre contenu et support,
- Privilégier les formules de phrases directes.
Pour plus d’informations sur ce sujet, nous recommandons de lire les guides publiés par l’UNAPEI : le « Guide pratique de la signalétique et des pictogrammes » et « L’information pour tous – Règles européennes pour une information facile à lire et à comprendre ».
Une signalétique décomplexée
La signalétique a longtemps été perçue comme un objet disgracieux par les architectes, qui ont préféré la voir s’effacer, être la plus discrète possible, voire disparaître totalement. Le classique lettrage gris sur gris de très petite taille fait encore régulièrement son apparition dans les projets, alors que la réglementation accessibilité exige qu’il soit « visible, lisible et compréhensible » par tous.
La signalétique doit pouvoir s’imposer sans fard, exister en tant que telle, tout en respectant l’histoire du lieu dans lequel elle s’inscrit. Conçue en accord avec le projet architectural, elle pourra en renforcer le caractère. Des panneaux de grandes tailles, de couleurs vives, d’une forme particulières participeront à la qualité spatiale et architecturale de l’ensemble du projet et jalonneront efficacement les déplacements.
La révolution de l’affichage dynamique
Les écrans ont fait leur apparition dans de nombreux lieux ces dernières années. Souvent porteurs de messages publicitaires, ils fournissent également des informations essentielles au bon déroulement du trajet des usagers en transmettant une information en temps réel, ce que ne permettent pas les supports signalétiques traditionnels.
A titre d’exemple, les opérateurs de transports publics urbains, tels que la RATP, ont pris conscience de la valeur de cet outil, en déployant leur implantation sur le réseau du métro et en combinant écrans à hauteur de personne assise et debout (permettant de s’en approcher pour lire) et écrans suspendus. En cas de travaux sur le réseau, de panne de train ou autre perturbation, l’usager sera ainsi informé et pourra prendre un itinéraire alternatif.
Les supports numériques révolutionnent donc la signalétique mais sans la supplanter. Si leur mise à jour régulière permet de fournir une information juste, l’implantation de dispositifs traditionnels (panneaux, balises sonores, etc.) reste inévitable. Les écrans numériques nécessitent en effet d’être maintenu en bon état de marche (coût de maintenance), sont encore très énergivores et ils peuvent être perçus comme éblouissants, donc sources d’inconfort visuel.
Nous verrons donc pendant plusieurs années encore, ces dispositifs cohabiter ensemble, sans oublier les systèmes de guidage piéton (de type GPS indoor), dont les technologies sont actuellement testées, qui devraient voir le jour prochainement auprès du grand public et présentent un grand intérêt pour les personnes déficientes visuelles.
Article rédigé par Marine Semichon, Consultante Associée à Univaccess
Crédits photographiques : Marine Sémichon.