L'imagier interactif du Musée de Cluny. Crédit photographique : Musée de Cluny.

Au printemps 2020, la crise liée au Covid-19 impliquant la fermeture des musées pour une durée indéterminée a été l’occasion pour les établissements culturels, et plus spécifiquement les musées, de valoriser et d’explorer leurs outils d’accès à distance aux collections. Certains musées disposaient déjà d’un panel d’outils numériques permettant cet accès « de chez soi », il a s’agit pour ceux-là essentiellement de renforcer leur présence sur les réseaux sociaux et de stimuler le public par une approche souvent ludique, voir participative, autour des oeuvres. D’autres, en revanche, n’étaient que peu préparés et ont alors dû penser des dispositifs de médiation agiles et rapides à déployer.

La question que cette crise pose également, c’est ce qu’il restera de ces expériences en terme de pratiques au sein des équipes muséales et en terme d’accès à l’oeuvre pour le public. Nathalie Bondil, directrice générale du Musée des beaux-arts de Montréal, s’exprime sur le sujet dans un article publié sur le site canadien La Presse (1) et explique que selon elle, “cette crise va faire en sorte que l’on développe encore davantage nos collaborations grâce aux plateformes numériques”, puis elle ajoute :

“l’art est lié à l’émotion et à l’expérimentation, donc les visites dans les musées se poursuivront. Le numérique pourra préparer la visite et la compléter, mais ne s’y substituera pas”.

En effet, si le déploiement numérique des outils d’accès aux oeuvres a permis aux musées de rester connectés – à défaut d’être ouverts – à une grande part de leur public, le risque est de mettre de côté tous ceux qui ne peuvent ou ne savent utiliser ce média, et pose ainsi une vrai question d’accessibilité pour tous. En revanche, il a permis de faire émerger des stratégies nouvelles de préparation à la visite, enjeu d’autant plus important pour les personnes en situation de handicap.

Nous faisons le point dans cet article sur quelques-unes des stratégies développées pendant cette période de Mars à Juin 2020 en France et à l’étranger.

1. L’accès à des contenus à distance et la médiation virtuelle

Au début de la période de confinement, plusieurs musées ont tout d’abord mis en ligne des ressources numériques préalablement développées pour la préparation à la visite notamment, tels que des visites virtuelles du musée ou un accès numérique aux oeuvres. Dans un second temps, un deuxième enjeu a émergé, celui de créer des contenus dédiés et adaptés à une diffusion numérique.

Devant la multitude d’offres disponibles, le ministère de la culture français propose une plateforme #culturecheznous (nouvel onglet) répertoriant un ensemble de propositions culturelles accessibles à distance. La plateforme inventorie les contenus en identifiant leurs leviers d’accessibilités, avec des critères tels que : le transcription textuelle, l’audiodescription (AD), les jeux utilisant du HTML, la navigation au clavier, la langue « facile à lire et à comprendre » (FALC), le langues des signes françaises (LSF), le sous-titrage (ST). Cela permet aux usagers ayant un besoin spécifique de trouver rapidement les contenus accessibles dans une multitude de propositions.

Nous ne détaillerons pas ici tous les musées et lieux culturels ayant proposés la mise en ligne de leurs contenus, en revanche, nous évoquerons l’expérience développée par Universcience, au Palais de la Découverte à Paris avec le projet #LaScienceEstLà. En effet, ce programme propose un accès facilité à des expositions virtuelles, mais aussi des rendez-vous réguliers avec des médiateurs, et permet ainsi de conserver une médiation humaine – quoique distancielle – aux contenus. Pour la création des vidéos du programme « les petites découvertes », la production du contenu a été pensée dés le début pour favoriser son accessibilité. Comme l’explique Sabine Tuyaret, ingénieure de recherche à Universcience dans un article paru sur le site de l’OCIM (2),  » le programme « les petites découvertes » qui met en scène un médiateur scientifique dans la découverte d’un objet du quotidien a fait l’objet d’une étude pour proposer une fiche de conseils de tournage et est sous-titrée. ». L’ensemble des offres accessibles est ainsi répertorié dans une rubrique dédiée intitulée « je me cultive » (nouvel onglet) et comprenant trois catégories : « je vois la science », « j’écoute la science », et « je visite autrement les expositions». La première catégorie inclue des vidéos sous-titrées et/ou disponibles en LSF, la deuxième catégorie propose des contenus audio et des jeux accessibles avec la synthèse vocale, et enfin la troisième catégorie comprend des visites d’expositions en ligne, des audioguides, et des conférences. Ce dispositif, créé pendant la période du confinement, a vocation à perdurer au-delà, explique Sabine Tuyaret dans l’article cité plus haut.

Extrait de la rubrique "je me cultive". Crédit photographique : Universcience.

Extrait de la rubrique « je me cultive ». Crédit photographique : Universcience.

Le défi participatif

Rendre accessibles via le numérique des contenus existants ou créés est une chose, les valoriser et réussir à capter un public sur-sollicité en est une autre. C’est pourquoi de nombreux musées ont proposé une approche ludique et participative autour de thématiques d’expositions ou d’oeuvres majeures de leur collection. Il existe là aussi beaucoup d’exemples, tels que le Getty Museum de Los Angeles qui lancera très tôt le défi de reproduire chez soi un célèbre tableau et de le diffuser sur les réseaux sociaux avec le #gettymuseumchallenge. Dans cette même mouvance, la Royale Academy lance le défi participatif #RAdailydoodle, un défi quotidien diffusé sur le compte Twitter de l’institution et qui propose de dessiner autour d’un thème ou d’une image. Les thèmes sont très larges et accessibles à tous, il peut s’agir à titre d’exemple de dessiner un oiseau, un vélo, ou encore une tête de cochon, etc. Et comme l’explique la Royale Academy sur son compte twitter :

« Vous n’avez pas besoin d’être Léonard de Vinci… Il suffit de mettre un stylo / un crayon sur une feuille de papier / un post-it / un revers de main« .

Enfin, le Musée de Cluny, musée national dédié au Moyen Age et situé à Paris, propose depuis fin avril un imagier interactif accessible en ligne (nouvel onglet). Le musée explique à travers cet exercice, l’importance de s’approprier les oeuvres d’arts comme des supports ludiques prétextes à la rencontre avec la pratique artistique : “N’ayez pas peur de dépasser et d’y aller franco, vous n’en serez que plus réaliste. Les artistes des ateliers médiévaux travaillaient souvent à la chaîne et n’avaient parfois pas le temps de s’appliquer”.

L'imagier interactif du Musée de Cluny. Crédit photographique : Musée de Cluny.

L’imagier interactif du Musée de Cluny. Crédit photographique : Musée de Cluny.

Une expérience virtuelle du parcours muséale et sa dimension sociale

Dans un article publié sur l’infolettre Muzeodrome (3), Omer Pesquer, rédacteur de cette infolettre et consultant auprès des établissements culturels, relève une des limites de l’expérience muséale distancielle telle qu’elle est majoritairement proposée :

«  Un des principaux reproches que l’on peut faire à la majorité des tentatives de musée virtuel est que la présence humaine y est invisible. Gommer l’expérience sociale retire beaucoup, presque tout à mon sens, à ce que les visiteurs pourraient vivre en ligne. »

C’est ainsi qu’il évoque une initiative du collectif LIKELIKE, spécialiste des espaces vidéoludiques, qui a créé pendant cette période de confinement l’expérience oMoMa (online Museum of Multiplayer Art), un musée virtuel où le visiteur peut déambuler dans les salles du musée après avoir créé son avatar. Omer Pesquer relate l’expérience proposée au visiteur : «  Dans la première salle, on trouve une installation dysfonctionnelle ainsi qu’un cartel qui encourage à parler et jouer avec les étrangers que l’on croise. La visite de l’oMoMA se poursuit dans les trois étages de celui-ci : la salle au miroir, la salle des rythmes, la salle de la censure … pour se terminer par la chambre noire (salle réservée au « Cybersex » textuel ! ). » Le visiteur peut ainsi échanger avec les autres avatars et reconnecter de ce fait avec l’expérience sociale du musée, même dans sa dimension virtuelle.

L'expérience sociale proposée dans l'oMoMa. Source : Muzeodrome #25

L’expérience sociale proposée dans l’oMoMa. Source : Muzeodrome #25

Sources :

(1) Les musées du monde planifient l’après COVID-19, 10 Avril 2020, La Presse. Lien vers l’article (nouvel onglet).

(2) 19 avril – Accessibilité culturelle et numérique : une mission de service public à l’épreuve de la pandémie, ou l’opportunité d’une crise ?, Sabine Tuyaret. Lien vers l’article (nouvel onglet).

(3) Dans les coins d’Internet, Muzeodrome #25, Omer Pesquer. Lien vers l’article (nouvel onglet).