L’atelier s’est passé dans une formule revisitée au regard de la Crise du Covid19. Cela nous a amené à innover pour le partenaire mais aussi sur nos pratiques d’accompagnement des étudiants, le travail entre les étudiants et les interactions avec le partenaire.
Ce fut riche d’enseignement et tout s’est déroulé dans un contexte de bienveillance collective et de grande créativité : chacun était à la fois déstabilisé mais curieux de faire évoluer ses pratiques. Bref tout était réuni pour de l’innovation collective !
Le Musée d’histoire de Nantes s’est lancé dans l’aventure avec nous pour réfléchir aux opportunités de transformation et d’innovation sur leurs pratiques pendant cette crise. Comme beaucoup de musées cette période fut un formidable laboratoire de créativité sur le hors les murs, sur l’interaction directe avec les publics, sur l’usage du numérique, ou encore pour encourager la créativité des personnes confinées à la maison.
L’atelier a été construit et préparé par Clémentine Laurent-Polz, architecte et enseignante-chercheuse au City Design Lab, puis co-animé par Anaïs Jacquard, Responsable pédagogique MDes City Design, et Simon Houriez, Directeur de Signes de sens spécialisé sur la création d’expériences en conception universelle. Il s’est déroulé sur 2 semaines avec un accompagnement des élèves en visioconférence à chaque étape du projet..
Voici le récit de cette belle aventure collective confinée mais chaleureuse et surtout performante !
Contexte et commande
Notre mission : accompagner la future exposition du Musée d’histoire de Nantes sur le thème de la biscuiterie LU.
L’ouverture de cette exposition, initialement prévue le 4 avril, se fera finalement dés la fin du confinement. Le musée est venu vers nous avec diverses questions et l’envie de travailler sur la conception d’expériences et de dispositifs pour anticiper l’ouverture de l’exposition et répondre à ses enjeux :
- Comment anticiper par une appréhension des oeuvres à distance ?
- Comment donner envie de compléter sa première visite virtuelle par la visite réelle après confinement ?
- Quelles expériences créer à la maison pour les familles ?
- Comment développer une approche « design sensorielle » pour l’accès à l’oeuvre à distance pour tous ?
- Comment le musée peut-il rebondir suite à la crise du Covid19, le confinement et la fermeture du musée ?
Notre équipe : 15 étudiants de l’école de Design de Nantes, en Master CITY, répartis en 4 équipes
Notre feuille de route : 5 jours répartis sur 2 semaines
- Jour 1: Documentation sur le projet du musée + Veille + Positionnement de chaque équipe sur un public cible et un angle d’approche du sujet
- Jour 2 : Idéation (contenu, public, dispositif)
- Jour 3 : Scénario et prototypables
- Jour 4 : Tests prototypes et présentation blanche
- Jour 5 : présentation devant le partenaire
- Finalisation avec le musée pour mettre en place les dispositifs proposés
L’aventure !
Toute notre aventure s’est passée en visioconférences et chacun a développé une certaine agilité sur ce nouveau mode. Chaque groupe a construit ses outils et méthodes de collaboration à distance ainsi qu’un découpage des tâches pour optimiser le travail.
Étape 1 : comprendre le sujet et choisir la base de son projet
Cette étape est cruciale car elle pose les bases du projet !
Tâches :
• Analyse des documents transmis par le château (bâtiment, vision, valeurs, identité, contenu scientifique et thèmes abordés, approche pédagogique, publics prioritaires, …)
• Veille sur ce thème “à distance” pour identifier les différentes stratégies, les différents outils, les retours d’expérience, la place du numérique, quelque soit le secteur concerné
• Veille plus spécialisée sur les dispositifs de médiation muséale à distance et sur tout dispositif de médiation accessible (accessibilité sensorielle ou cognitive, pédagogie,…)
• Identification des personas clés (famille, personnes en situation de handicap,…)
Livrables :
base du projet de chaque équipe avec un public identifié, une approche et un thème choisi parmi les différents thèmes de l’exposition.
Ce livrable a permis d’orienter les étudiants sur certaines ressources, certains projets exemplaires, l’historique du musée sur le public choisi, … pour compléter la veille générale par une veille plus ciblée. Nous nous sommes également assurés que les différents projets exploraient des dimensions différentes et permettraient de proposer une diversité riche pour le partenaire, voir de la complémentarité.
Étape 2 : Storytelling du projet
Chaque groupe définit la trame de l’expérience qu’il veut proposer aux futurs utilisateurs : le scénario d’usage.
Comme il était impossible d’aller à la rencontre des utilisateurs, les étudiants ont dû se baser sur des échanges avec les encadrants et les personnes du musée pour documenter les pratiques, les attentes et les habitudes des usagers ciblés. Ensuite ils ont complété par des lectures et des réseaux personnels comme des appels aux proches qui ont des enfants ou à la famille. C’est particulièrement compliqué pour des étudiants qui n’ont pas encore beaucoup d’expérience des usagers et des usages.
Tâches :
• Première version rédigée d’une expérience utilisateur imaginée (storytelling autour du persona)
• Veille spécialisée pour compléter la matière existante
• Récolte des éléments nécessaires auprès du musée pour documenter cette idée et vérifier sa pertinence
• Version détaillée de cette expérience et description des différents outils que l’utilisateur va utiliser pour vivre cette expérience
Livrable : scénario d’usage validé
Nous nous sommes également assurés de la cohérence de ces propositions avec la stratégie et l’existant du musée.
Étape 3 : Prototypage rapide et maquette
Au vu du contexte nous n’avons pas pu confronter les prototypes à la réalité, ce qui était assez frustrant au-delà du fait de ne pas permettre aux étudiants de confronter leurs idées à la réalité et de devoir s’appuyer plus, trop ? , sur l’expérience et les avis des encadrants.
Les étudiants ont matérialisé les outils de leur scénario d’usage, dénicher les bons outils pour du prototypage rapide (voix en synthèse vocale, QR codes, site web simple…) et finalisé par des échanges avec les encadrants et le partenaire.
Les discussions se sont faites sur 3 niveaux complémentaires :
• Le concept en lui-même et la pédagogie proposée
• Les facteurs d’engagement des publics : quels leviers pour mobiliser les publics cibles et avoir une désirabilité et une appropriation des expériences proposées pour minimiser les abandons ?
• La mise en forme à proprement parler (couleur, polices, niveau de langue, maquettes, …) avec notamment un regard sur l’accessibilité pour les publics en situation de handicap ou pour les enfants selon les tranches d’âge, …
Livrable : prototype
Étape 4 : Présentation au client partenaire
Nous avons encouragé les étudiants à se concentrer sur la proposition de valeur, la cohérence de l’expérience proposée avec la stratégie du musée et son existant, la simplicité de mise en oeuvre et l’impact potentiel pour le musée. Il a souvent été difficile de ne pas s’embarquer dans un récit exhaustif de tout ce que les étudiants avaient fait pour arriver à ce résultat pour rester concentrés sur le résultat.
Nous avons également travaillé à une certaine concision pour laisser de la place pour les questions du client et les échanges, dans le but d’éviter les présentations “tunnel”.
La présentation a été plus qu’enthousiasmante car le musée a décidé de mettre en place tous les projets ! Énorme reconnaissance du travail réalisé par les étudiants et de l’originalité de celles-ci !
S’en est suivi un ensemble de modifications pour passer d’un prototype à un produit fini. Les étudiants, motivés par l’enjeu de passer en production, se sont mis à la tache. Quelques semaines plus tard tout a pu être livré au musée et présenté in situ quand les règles de confinement se sont assouplies et que le musée à réouvert ses portes. Finalement dans une logique de projet inversé, les étudiants ont pu découvrir le lieu et l’exposition à la fin de leur travail !
Au-delà de la méthodologie : des projets !
Les équipes ont lancé des pistes très différentes les unes des autres dont voici un petit descriptif.
→ Équipe 1 : L’expo LU chez soi
Lola Gautier, Laetitia Gérard, Marie Donnou
L’équipe a développé un travail autour de la gourmandise avec l’envie de travailler avec les familles sur la sensorialité, cela en cohérence avec les expériences tactiles et olfactives que le musée va proposer dans l’exposition.
Le résultat est un film qui présente l’histoire de l’entreprise LU et des personnages clés et permet de faire la recette du petit LU à la maison.
Une astuce exploitée : pendant les temps d’attente de la recette on montre à l’enfant comment la fabrication se passait dans l’usine, les conditions de travail, les machines, etc.
→ Équipe 2 : La Sensory Map
Marion Dalibert, Aurélien Jubault, Simon Paugam
Le groupe a décidé de travailler sur deux axes forts :
- La prévisite avec une appropriation du lieu en lui-même et de l’exposition
- L’accueil spécifique du public autiste
Il a fallu beaucoup de créativité pour relever ce double défi, l’équipe s’est appuyée sur le concept des Sensory Map notamment.
Au final c’est un concept original où l’enfant reconstruit l’exposition par modules (impression, découpe, collage) et fait apparaître peu à peu un plan de l’exposition avec les informations sur les expériences sensorielles que le visiteur va vivre dans chaque pièce de l’exposition (son, lumière, odeurs, …).
En parallèle, ils proposent un livret de prévisite qui présente des photos des différents espaces du musée et notamment les points de contact au moment de l’arrivée et de l’accueil.
→ Équipe 3 : LU c’est quoi ?
Manon Penhouet, Astrid Macarez, Johanna Santos, Claire Marquet
Le groupe s’est orienté sur une activité de type “Print & Play” avec plusieurs jeux que l’enfant de 8-12 ans réalise pour entrer dans les contenus de l’exposition et pour résoudre une énigme centrale. L’interactivité est apportée par un QR code qui renvoie vers un site pour tester sa réponse à l’énigme.
En cas de victoire ce n’est pas fini : vous gagnez une cocotte magique à imprimer qui va vous apprendre à faire les petits beurres de façon ludique !
→ Équipe 4 : Mon Lu à moi
Manon Chamly, Solène Beaudoux, Clémentine Lemercier, Axelle Thibaud, Clara Jaloux
L’équipe s’est centrée sur la fabrication des différents éléments qui ont fait le succès de l’entreprise LU : la recette, la boite et la communication.
L’enfant fabrique peu à peu ces 3 éléments qu’il peut personnaliser, chemin faisant il découvre l’ingéniosité de Louis Lefèvre-Utile qui a permis l’essor de son entreprise.
Au fil d’une série de vidéos, l’enfant est guidée dans la fabrication de ces 3 éléments et se plonge peu à peu dans l’univers graphique de l’exposition. À la fin, on l’encourage à partager ses créations sur les réseaux sociaux et surtout à venir au musée pour voir tout cela en vrai !
Le Château de ducs de Bretagne met en ligne les propositions des étudiants sur ce lien (nouvel onglet).
Les apprentissages dans cette version “confinée” :
- Le travail à distance entre les étudiants et avec les encadrants : beaucoup de questions et d’appréhensions des deux côtés et finalement une vraie mise en place d’une autre façon de travailler, la capacité aussi à laisser les groupes plus autonomes dans leurs phases de documentation, de réflexion ou de création. Chacun s’est également approprié les outils de collaboration à distance, ce qui est un acquis non négligeable.
- Une réflexion sur la place du numérique : personne ne voulait basculer en “tout numérique”, le projet a été plutôt l’occasion d’une réflexion sur un usage raisonné du numérique pour multiplier le potentiel dans la réalité.
- Une belle démonstration d’innovation sous contrainte !
L’importance de l’immersion terrain et des échanges avec les usagers a été mise à mal par la démarche à distance. Elle a finalement été faite par des intermédiations : les experts ont pris la parole pour les usagers avec la limite que cela enferme l’étudiant dans le prisme et l’expérience de l’expert mais l’avantage d’un gain de temps. Dans tous les projets c’est un équilibre à trouver entre la prise d’information et d’avis auprès d’experts et la prise de distance pour pouvoir apporter un regard neuf, des idées décalées et des pistes d’innovation.
Photo en tête d’article : Château des ducs de Bretagne. Nantes ©Philippe Piron / LVAN
Article rédigé par Simon Houriez.