Prototype du projet Mise au point

A l’occasion de ce séminaire nous avons souhaité mener une réflexion très ouverte sur la question de la signalétique en centre urbain historique : comment se repère t’on dans l’espace? Qu’est-ce qu’une information compréhensible par tous? Quels outils pour donner à lire et à comprendre la ville?

L’objectif était d’amener les étudiants à travailler à l’échelle d’un projet dans sa globalité, de l’analyse sensible d’un lieu à la conception d’un projet et à son prototypage « échelle 1 ». Pour cela, nous avons pris le parti de leur demander de concevoir des projets à partir de leurs ressentis sensoriels et subjectifs de l’espace dans toutes ses dimensions. L’enjeu est ici d’expérimenter un processus créatif qui nait de la perception, plutôt que de la réglementation. Cette expérimentation nous permet de mettre à l’épreuve et de tester le potentiel d’universalité d’un projet basé sur une perception individuelle et subjective. Elle questionne également la posture du designer et plus largement de tous les métiers créatifs intégrant dans leurs projets des ambitions de qualité d’usage. Ici, il s’agit d’amener le designer à s’interroger sur sa propre perception de l’espace, à (ré)apprendre à lire la ville via son ressenti physique et sensoriel. Le corps devient alors l’instrument de captation de l’espace et de ses ambiances, offrant une perception toujours plus fine et plus qualifiée du réel. Et c’est bien sur cette capacité du corps à percevoir une certaine complexité et une multi-dimensionnalité du réel que s’appuie le propos, car c’est peut-être de cette richesse de la perception que peut venir l’universalité des propositions projectuelles.

Notre terrain d’expérimentation était la ville de Nantes.

La signalétique : de la gare au Château

L’objet du workshop était de réfléchir sur le signalétique autour d’un parcours donné dans le centre ville de Nantes, de la gare au Château des Ducs de Bretagne. Ce choix de parcours nous offre un prétexte pour explorer plusieurs séquences urbaines abritant des ambiances contrastées (parvis de gare, jardin des plantes, cours du Château). De même, il implique d’identifier des enjeux de continuité de la chaine de déplacement (gare – tram – zone piétonne, etc.). Enfin, il est aussi l’occasion d’observer les dispositifs de guidage implicite existant sur ce trajet, tels que la visibilité de repères urbains existants (des monuments notamment), la structure urbaine (orientation des rues, perspective, etc.), les effets de déduction et d’interprétations inhérents à toute démarche de déambulation (par exemple, une personne qui cherche le Château en déduira probablement qu’il est dans le centre historique de la ville…).

En introduction du workshop, les étudiants ont commencé par illustrer la thématique de la signalétique, à travers différents mots : un nom (qu’est ce que c’est ? ), un verbe (à quoi ça sert ?), un adjectif (ce que la signalétique est ?) et enfin un seconde adjectif (ce que ça devrait être ?).

Percevoir

La richesse perceptive évoquée plus haut n’est pas une évidence dans un monde où la plupart des dispositifs de communication dans l’espace urbain sont d’ordre visuel. C’est pourquoi, nous avons proposé aux étudiants, avant de faire un parcours urbain in situ (parcours dans lequel devra se situer leur proposition), de travailler sur leur réceptivité. Nous avons pour cela organiser un temps de méditation guidée visant à les aider à se reconnecter avec leur sens mais aussi à des perceptions sonores, olfactives, tactiles, agréables pour eux. Durant le parcours, ils ont ainsi pu convoquer cet état perceptif mais également moduler leurs différents sens au fil du cheminement : parfois avec les yeux bandés, parfois avec un casque limitant la perception du bruit et parfois avec ces deux dispositifs en même temps. Les étudiants ont ainsi redécouvert pour la plupart un espace qui leur est pourtant déjà familier, à travers des odeurs, des sons ou des points de vue qu’ils n’avaient jusqu’à lors pas perçu.

Déambulation

Déambulation

Synthèse des premières impressions et ressentis autour d’un plan

Synthèse des premières impressions et ressentis autour d’un plan

Retranscrire

La seconde étape de l’expérimentation était de chercher le moyen le plus juste pour retranscrire leurs perceptions sensibles de l’espace parcouru. Nous leur avons ainsi demandé de produire une carte sensible traduisant leur lecture de l’espace et leurs ressentis en terme d’ambiances urbaines. Ces cartes sensibles ont pris la forme de vidéo projetée, alliant le son et sa représentation plastique visuelle par le biais de projections d’encres générant des ondes colorées et mouvantes. De maquette « extrapolée », venant mettre en relief et exagérer les éléments saillants perçus et ceux qui conditionnent l’ambiance urbaine ressentie. De maquette tactile, cherchant à retranscrire à la fois la perception du pas sur le sol, la perception émotionnelle de l’espace et sa sécurité, mais également les sonorités des matières parcourues et le référentiel qu’elles évoquent (« le pavé est doux », « le bitume est confortable »). Ou encore une représentation de l’espace non plus en plan mais en une multitude de coupes, mettant ainsi en exergue les dénivellations bien sûr, mais aussi les effets de masques visuels (arbres, bâti, etc.) et d’obstacles au cheminement (mobilier urbain, stationnement de véhicule, etc.).

Coupe sensible

Coupe sensible

Tests des matériaux et des leurs propriétés sensibles

Tests des matériaux et des leurs propriétés sensibles

Tests pour la réalisation de la carte sensible

Tests pour la réalisation de la carte sensible

Concevoir et prototyper

La dernière étape de l’atelier était de concevoir à partir de la perception sensible de l’espace urbain et de l’angle choisi pour sa retranscription, un concept de signalétique permettant de guider les usagers. L’objectif pédagogique était de développer la conception du projet en le prototypant à l’échelle réelle. Les groupes ont ainsi déployé une série de dispositifs :

  • Le projet « mise au point » présente une signalétique révélant les formes architecturales patrimoniales environnantes, comme autant de repères sur lesquels l’usager peut s’appuyer pour s’orienter et lire la ville.
  • Le projet « TAC TIQ » propose de disposer un plan tactile sur le parvis de la gare permettant d’identifier le cheminement sécurisé à travers un jeu de contrastes tactiles et visuels. La recherche de matières représentatives et suffisamment différenciables a été déterminant pour leur projet.
  • Le projet « La ville par la main » propose une autre manière d’appréhender la ville, en décalant l’attention sur le toucher et les matières qui composent et structurent la ville. Les étudiants proposent un carnet « guide » répertoriant les différentes matières rencontrées sur leurs parcours et permettant au passant de se repérer et de comprendre la ville et ses différentes strates, son histoire et les matières qui la traduisent. Le carnet offre une double représentation, tactile, avec un papier gaufré par l’empreinte des matériaux, et visuel, dont les motifs sont directement dessinés à partir de l’empreinte physique. Le carnet est accompagné d’une application mobile intégrant une narration ouverte et collaborative des espaces traversés.
  • Le projet « Coup(e)let » présente un panneau tactile et visuel, mettant en lien une représentation du parcours en coupe et en plan, et faisant ressortir les points de blocage éventuel. Le projet propose également aux usagers plusieurs niveaux de « difficulté ».
  • Enfin, le projet « Aquasound » s’appuie sur la création d’un plan sonore et visuel, proposant aux usagers deux parcours, l’un lent et calme et l’autre rapide et plus bruyant. Il permet aux usagers d’anticiper les ambiances sonores qu’il va traverser ainsi que son confort émotionnel.
Projet "mise au point"

Projet « mise au point »

Scénario d’usage du projet « la ville par la main »

Scénario d’usage du projet « la ville par la main »

Projet Aquasound

Projet Aquasound

Tester et faire tester

La réalisation des prototypes à l’échelle réelle a permis aux étudiants de tester leurs propositions et d’intégrer les premiers retours usagers qui pourraient faire évoluer leur projet dans le cadre d’un développement plus poussé. Ces premiers tests devraient bien sûr être complétés par des tests avec les usagers, en situation réelle d’implantation.

Tests usagers du projet TAC TIQ

Tests usagers du projet TAC TIQ

Tests usagers du projet Coup(e)let

Tests usagers du projet Coup(e)let

Maquette du projet Mise au point

Maquette du projet Mise au point

Prototype du projet La ville par la main

Prototype du projet La ville par la main

Etudiants du cycle Master Mutation du Cadre Bâti, L’Ecole de design de Nantes.

Atelier encadré par Mathilde Jolivet-Martin (Agence Accès Libres), Clémentine Laurent-Polz (architecte), Matthias Jancel (Tactile Studio), Andréa Boisadan (Doctorante).

Article rédigé par Clémentine Laurent-Polz.